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Le corps des femmes: contrôle, surveillance et résistance



Après le succès de "chanson douce", prix Goncourt 2016, Leïla Slimani aurait pu jouir des privilèges du gotha littéraire parisien, mais la jeune auteure-journaliste n'a pas voulu s'arrêter là. Elle défie les tabous avec son nouvel essai, "Sexe et mensonge : la vie sexuelle au Maroc" (Ed. Les Arènes). Un livre qui recueille les voix de nombreuses Marocaines, un cri qui démontre combien le corps des femmes et leur sexualité est au carrefour des dominations, des questions religieuses, des questions sociales et des questions de pouvoir.

Ces divers témoignages mettent en avant une conception idéologique du corps féminin, un héritage universel de domination masculine qui rend encore dans bien des pays du monde, et non seulement musulmans, difficile l'accession des femmes au statut de sujet et la dévalorisation de son inscription dans le social dans l'ordre patriarcal.

L'inscription du corps de la femme, essentiellement dans l'ordre de la "nature" et du biologique, a servi d'argument central pour son exclusion du travail de "culture". On construira une "nature" féminine nécessairement contrôlée par l'homme qui n'aura de cesse de les convaincre de leur infériorité. Les grandes religions ont repris à leur compte ce schéma, car si les textes fondateurs sont non seulement respectueux des femmes, ils laissent entendre pour certains d'entre eux une égalité originelle de la femme. Les interprétations et exégèses sont par contre presque toujours misogynes.

Les schémas traditionnels persistent, y compris en occident. Le sexe est devenu un enjeu et un jeu public, toute une trame de savoirs, de discours et d'injonctions l'investissent d'autant plus quand il s'agit de la sexualité féminine. Le corps des femmes et son usage revendiqués par un patriarcat dont il faudrait analyser non seulement les dimensions psychologiques de l'oppression de genre et sexuelle, mais aussi identifier les conditions sociales, le contexte du rapport de classe, religieux (...) qui permettent la reproduction de ce schéma et influencent notre perception de nous-mêmes, de notre rapport aux autres, nos comportements et nos pratiques.

Le postulat de base est que la femme ne "possède pas " son corps. Mais qui possède son corps alors et d'ailleurs qui possède les corps ? Dieu, l'Etat, nous-mêmes...? Femme, corps et féminité sont souvent associés à dangerosité et cela depuis l'antiquité. De l'idée d'un corps féminin "malade" ou de l'inachèvement de son sexe sont issues un grand nombre de catégorisations sociales en vigueur aujourd'hui. L'essentialisation des catégories de sexe nourrit nombre d'idéologies. La pertinence politique du féminisme réside dans sa capacité à lier des questions, des luttes et des communautés hétérogènes tout en prenant garde de ne pas tomber dans une intersectionnalité dévoyée que la polysémie du terme peut générer.

Ce corps qu'il faut "discipliner" reste bien souvent encore, comme le montre le livre de Leïla Slimani, le siège de l'oppression des femmes, même si bien évidement , se développent une réflexion et une lutte sur la manière dont les femmes peuvent construire leurs propres représentations de leur corps. Ce corps féminin considéré comme sexuellement exhibé en permanence par les hommes, qui exigent que l'on couvre tout ce qui pourrait être défini comme des "nudités", est constamment au coeur des débats publics. Alors que le silence sur ce qui est "leur" corps est imposé aux femmes.

Cette "pudeur" dont elles doivent faire preuve et qui leur interdit de nommer les choses par leur nom, même s'il s'agit de leur propre intimité.

Un silence ancestral, un silence transmis comme un "impensé" que nul ne devrait remettre en question et ceci pas seulement au Maroc, d'où l'importance de ces témoignages.

La Parole qui passe par tous les registres, public et privé, écrit et oral est-elle suffisante à faire échec à la violence ? Ce livre et ces femmes nous appellent en tout cas à la congédier.


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